GASTONVILLE
Au début de la conquête, sur la rive gauche du Saf-Saf, à 25 kilomètres de PHILIPPEVILLE
se trouvait une mechta de peu d'importance connue sous le nom de DIR ALI.
Sa situation stratégique fit adopter DIR ALI comme gîte d'étape par l'autorité militaire.
Jusqu'en 1847, les mouvements de troupes et de travailleurs animèrent seuls ce campement.
Une ordonnance royale du 16 novembre 1847, constituait un territoire de 570 hectares, avec un village pouvant recevoir 40 familles. Son nom fut GASTONVILLE.
Un arrêté du pouvoir exécutif du 19 septembre 1848 en fit une colonie agricole et deux mois après un convoi de colons émigrants arrivait de PHILIPPEVILLE, suivi en décembre par un autre d'égale importance.
Le général de division de SALLES, commandant le territoire de PHILIPPEVILLE, désignait le capitaine PIGRON, comme commandant la colonie, avec son annexe ROBERTVILLE.
Les colons aidèrent les soldats à édifier des baraquements en planches. Puis, chacun étant casé, on construisit des maisons en pierres. Une Église primitive fut installée dans une baraque.
Ces travaux furent interrompus dès le mois de juin suivant, car les fièvres faisaient leur triste apparition. Si bien qu'en juillet , il ne restait plus que vingt personnes valides, tous les autres habitants avaient été hospitalisés dans les infirmeries d'EL ARROUCH et de PHILIPPEVILLE.
Les indigènes livrés à eux-mêmes, pillaient les baraquements et volaient tout ce qu'ils trouvaient, étant assurés d'une impunité presque complète. Le 9 octobre, une violente épidémie de choléra s'abattait sur la région. Il fallut combler les vides et renouveler entièrement les familles de colons.
On créa des soldats moniteurs pour enseigner la culture et diriger les nouveaux venus, qui n'avaient fait d'agriculture.
L'intendance de PHILIPPEVILLE envoyait 46 bœufs de labours et des semences.
Les Sœurs de charité recueillent les orphelins au-dessous de dix ans et luttent avec un admirable courage contre l'épidémie meurtrière. Le choléra se calme après 42 jours tragiques.
Sur 429 habitants, 164 sont atteints et vont peupler le petit cimetière. Les rescapés demandent leur rapatriement. Dix familles, parmi les moins éprouvées restent seulement à GASTONVILLE.
Cette situation a frappé le Gouvernement . Vers la fin de 1849, un nouveau convoi d'émigrants comble les vides et l'Assemblée Nationale, émue de cette détresse qui se manifestait également aux camps de ROBERTVILLE et de JEMMAPES, délègue une commission composée des trois représentants du peuple : MM LESTIBOUDOIS, DUQUESNE et DENISET pour enquêter et visiter les camps de colonisation du territoire de PHILIPPEVILLE.
L'autorité militaire songe à assainir et plante de nombreux arbres. Une école est ouverte, une institutrice est désignée, des maisons sont construites, l'espoir renaît dans le cœur des colons. On oblige chacun d'eux à avoir un jardin potager et on lui fournit toutes les graines nécessaires.
Le 11 février 1851, est promulgué le décret qui constitue définitivement la cA ce moment 124 maisons sont bâties, ayant chacune une famille ; douze autres édifices abritent les services publics et les approvisionnements en vivres. Une salle d'asile et une école sont confiées à trois sœurs de la Doctrine chrétienne, une école de garçons est dirigée par un instituteur primaire.
Le recensement du 22 avril 1850 signale que les colons possèdent déjà 52 bœufs et 17 vaches laitières. On achète de nouveaux bœufs de labour, et pour assurer la sécurité des travailleurs on distribue aux colons des fusils et des cartouches.
Le village s'organise. L'Intendance militaire ne fournit plus les vivres, mais donne des allocations journalières. Elle achète des bœufs de labour qu'elle prête aux colons nécessiteux. On délimite les lots ruraux, on borne les concessions et chaque colon reçoit de 8 à 9 hectares de bonne terre.
Le 1er juillet 1852, un arrêté du Gouverneur général remplace l'administration militaire par une organisation municipale, M. ROUSSEL est nommé Maire de GASTONVILLE, et remplace le capitaine d'infanterie DUFFAULT. Les colons ne touchent plus d'allocations journalières. Ils doivent se suffire à eux-mêmes.
La vie normale suit son cours, mais le 22 août 1856, un violent tremblement de terre détruit une partie de GASTONVILLE. Il faut reconstruire et consolider. Une Église est bâtie et livrée au culte en 1859.
Le 22 août 1861, GASTONVILLE est érigé en commune de plein exercice. Le Maire est M. Jules TIERCE, son adjoint M. WILLEMIN. Ils sont installés le 1er janvier 1862. La population était alors de 419 Européens et de 229 Indigènes.
Le recensement de 1862 montre l'effort et le progrès de cette population de travailleurs. En 1849, le cheptel était de 46 bœufs appartenant à l'État. Il est en 1862, de 608 bœufs, 265 vaches, 200 veaux, 600 brebis, 110 chevaux ou mulets, et 400 chèvres. Le marché qui se tient chaque mardi est très fréquenté.
Six puits publics et 19 puits particuliers donnaient une eau saine et abondante. La propriété s'est constituée.
Un brave instituteur, secrétaire de Mairie à GASTONVILLE écrivait : "... Malheureusement pour GASTONVILLE, les concessions qui ne sont que de 7 à 10 hectares en moyenne par famille, sont trop exiguës, et le communal est encore à créer. On peut dire en thèse générale que GASTONVILLE est à moitié formé... quand on lui aura adjoint la rive droite du Saf-Saf avec les Indigènes, GASTONVILLE deviendra un des plus beaux et des plus productifs villages de l'Algérie."
Et il terminait ... "L'esprit d'ordre, de travail et d'économie, anime la population de ce village. Rarement y voit-on un paresseux ou un ivrogne.
"Ces hommes venus de différentes contrées de la France et d'autres pays étrangers, vivent aujourd'hui en frères, et s'accordent aussi très bien avec les Arabes, avec lesquels il font des échanges continuels. Ce qui donne à penser que dans peu d'années, la fusion sera complète, et que le Gouvernement aura atteint le but qu'il s'est proposé, c'est-à-dire faire de l'Algérie une des plus belles parties de l'Empire Français."
Ces mêmes vertus qui frappaient cet excellent magister en 1862, se sont conservées à l'heure actuelle dans cette population de travailleurs dont beaucoup ont été récompensés par une belle fortune.
Le village sagement administré, avec ses rues bien entretenues, ses voies propres et larges, ressemble à un village de France, rendu plus attrayant par la gamme des costumes indigènes qui animent ses trottoirs certains jours.
La culture annuelle comprend 100 hectares de vignobles, 15 hectares d'orangerie, 2600 hectares de blé et orge, 500 hectares d'avoine et de féveroles, 100 hectolitres d'huile et 4 hectares de tabacs.
Texte d'Emile Ledermann (janv1935) paru sur le site de Marcel-Paul Duclos
Au début de la conquête, sur la rive gauche du Saf-Saf, à 25 kilomètres de PHILIPPEVILLE
se trouvait une mechta de peu d'importance connue sous le nom de DIR ALI.
Sa situation stratégique fit adopter DIR ALI comme gîte d'étape par l'autorité militaire.
Jusqu'en 1847, les mouvements de troupes et de travailleurs animèrent seuls ce campement.
Une ordonnance royale du 16 novembre 1847, constituait un territoire de 570 hectares, avec un village pouvant recevoir 40 familles. Son nom fut GASTONVILLE.
Un arrêté du pouvoir exécutif du 19 septembre 1848 en fit une colonie agricole et deux mois après un convoi de colons émigrants arrivait de PHILIPPEVILLE, suivi en décembre par un autre d'égale importance.
Le général de division de SALLES, commandant le territoire de PHILIPPEVILLE, désignait le capitaine PIGRON, comme commandant la colonie, avec son annexe ROBERTVILLE.
Les colons aidèrent les soldats à édifier des baraquements en planches. Puis, chacun étant casé, on construisit des maisons en pierres. Une Église primitive fut installée dans une baraque.
Ces travaux furent interrompus dès le mois de juin suivant, car les fièvres faisaient leur triste apparition. Si bien qu'en juillet , il ne restait plus que vingt personnes valides, tous les autres habitants avaient été hospitalisés dans les infirmeries d'EL ARROUCH et de PHILIPPEVILLE.
Les indigènes livrés à eux-mêmes, pillaient les baraquements et volaient tout ce qu'ils trouvaient, étant assurés d'une impunité presque complète. Le 9 octobre, une violente épidémie de choléra s'abattait sur la région. Il fallut combler les vides et renouveler entièrement les familles de colons.
On créa des soldats moniteurs pour enseigner la culture et diriger les nouveaux venus, qui n'avaient fait d'agriculture.
L'intendance de PHILIPPEVILLE envoyait 46 bœufs de labours et des semences.
Les Sœurs de charité recueillent les orphelins au-dessous de dix ans et luttent avec un admirable courage contre l'épidémie meurtrière. Le choléra se calme après 42 jours tragiques.
Sur 429 habitants, 164 sont atteints et vont peupler le petit cimetière. Les rescapés demandent leur rapatriement. Dix familles, parmi les moins éprouvées restent seulement à GASTONVILLE.
Cette situation a frappé le Gouvernement . Vers la fin de 1849, un nouveau convoi d'émigrants comble les vides et l'Assemblée Nationale, émue de cette détresse qui se manifestait également aux camps de ROBERTVILLE et de JEMMAPES, délègue une commission composée des trois représentants du peuple : MM LESTIBOUDOIS, DUQUESNE et DENISET pour enquêter et visiter les camps de colonisation du territoire de PHILIPPEVILLE.
L'autorité militaire songe à assainir et plante de nombreux arbres. Une école est ouverte, une institutrice est désignée, des maisons sont construites, l'espoir renaît dans le cœur des colons. On oblige chacun d'eux à avoir un jardin potager et on lui fournit toutes les graines nécessaires.
Le 11 février 1851, est promulgué le décret qui constitue définitivement la cA ce moment 124 maisons sont bâties, ayant chacune une famille ; douze autres édifices abritent les services publics et les approvisionnements en vivres. Une salle d'asile et une école sont confiées à trois sœurs de la Doctrine chrétienne, une école de garçons est dirigée par un instituteur primaire.
Le recensement du 22 avril 1850 signale que les colons possèdent déjà 52 bœufs et 17 vaches laitières. On achète de nouveaux bœufs de labour, et pour assurer la sécurité des travailleurs on distribue aux colons des fusils et des cartouches.
Le village s'organise. L'Intendance militaire ne fournit plus les vivres, mais donne des allocations journalières. Elle achète des bœufs de labour qu'elle prête aux colons nécessiteux. On délimite les lots ruraux, on borne les concessions et chaque colon reçoit de 8 à 9 hectares de bonne terre.
Le 1er juillet 1852, un arrêté du Gouverneur général remplace l'administration militaire par une organisation municipale, M. ROUSSEL est nommé Maire de GASTONVILLE, et remplace le capitaine d'infanterie DUFFAULT. Les colons ne touchent plus d'allocations journalières. Ils doivent se suffire à eux-mêmes.
La vie normale suit son cours, mais le 22 août 1856, un violent tremblement de terre détruit une partie de GASTONVILLE. Il faut reconstruire et consolider. Une Église est bâtie et livrée au culte en 1859.
Le 22 août 1861, GASTONVILLE est érigé en commune de plein exercice. Le Maire est M. Jules TIERCE, son adjoint M. WILLEMIN. Ils sont installés le 1er janvier 1862. La population était alors de 419 Européens et de 229 Indigènes.
Le recensement de 1862 montre l'effort et le progrès de cette population de travailleurs. En 1849, le cheptel était de 46 bœufs appartenant à l'État. Il est en 1862, de 608 bœufs, 265 vaches, 200 veaux, 600 brebis, 110 chevaux ou mulets, et 400 chèvres. Le marché qui se tient chaque mardi est très fréquenté.
Six puits publics et 19 puits particuliers donnaient une eau saine et abondante. La propriété s'est constituée.
Un brave instituteur, secrétaire de Mairie à GASTONVILLE écrivait : "... Malheureusement pour GASTONVILLE, les concessions qui ne sont que de 7 à 10 hectares en moyenne par famille, sont trop exiguës, et le communal est encore à créer. On peut dire en thèse générale que GASTONVILLE est à moitié formé... quand on lui aura adjoint la rive droite du Saf-Saf avec les Indigènes, GASTONVILLE deviendra un des plus beaux et des plus productifs villages de l'Algérie."
Et il terminait ... "L'esprit d'ordre, de travail et d'économie, anime la population de ce village. Rarement y voit-on un paresseux ou un ivrogne.
"Ces hommes venus de différentes contrées de la France et d'autres pays étrangers, vivent aujourd'hui en frères, et s'accordent aussi très bien avec les Arabes, avec lesquels il font des échanges continuels. Ce qui donne à penser que dans peu d'années, la fusion sera complète, et que le Gouvernement aura atteint le but qu'il s'est proposé, c'est-à-dire faire de l'Algérie une des plus belles parties de l'Empire Français."
Ces mêmes vertus qui frappaient cet excellent magister en 1862, se sont conservées à l'heure actuelle dans cette population de travailleurs dont beaucoup ont été récompensés par une belle fortune.
Le village sagement administré, avec ses rues bien entretenues, ses voies propres et larges, ressemble à un village de France, rendu plus attrayant par la gamme des costumes indigènes qui animent ses trottoirs certains jours.
La culture annuelle comprend 100 hectares de vignobles, 15 hectares d'orangerie, 2600 hectares de blé et orge, 500 hectares d'avoine et de féveroles, 100 hectolitres d'huile et 4 hectares de tabacs.
Texte d'Emile Ledermann (janv1935) paru sur le site de Marcel-Paul Duclos